Inscrit le: 10 Juin 2007 Messages: 640 Localisation: Ailleurs
Posté le: Mar Nov 27, 2007 2:58 pm Sujet du message: L'honneur de souffrir - La comtesse de Noailles
La Mort.
La mort est un sujet qui a, de tout temps, inspiré les poètes. Son inéluctabilité, son invincibilité fait sa beauté. Elle fait se questionner chacun, sème le doute, et reste à jamais insaisissable. Il suffit de penser à elle pour faire s'effondrer tous les rêves liés à son contraire, l'Amour.
Il n'y a que le jour où l'on se retrouve en face du silence, d'un souvenir, qu'on se rend compte de sa toute puissance. L'Amour, la Vie apparaissent alors comme ce qu'ils sont vraiment: Des mensonges.
Oriflammes des âmes, les poètes nous présente la Mort sous diverses formes, les plus belles prenant naissance dans les larmes et le sang des écrivains, dans les blessures des corps et des âmes.
La comtesse de Noailles, ou Anna de Noailles, a composé L'honneur de souffrir entre Novembre 1923 à Février 1927. Plus de trois années où elle a couché sur papier sa tristesse, ses doutes, son désespoir, ses désillusions, sa lassitude du vide laissé par ses personnes qui donnaient un sens à sa vie, et qui ne sont plus.
Nous ne savons pas exactement à qui s'adresse chaque poème (même si on peut remarquer quand ceux-ci sont adressés à l'amant ou à l'ami) mais nous savons, nous ressentons, les sentiments de l'écrivaine. Anna de Noailles fait passer des sentiments susceptibles de s'accrocher à chacun de nous. A travers ce malheur qu'elle qualifie d'honneur, elle nous entraine sur les eaux mélancoliques d'un fleuve où nous nous laissons porter, dériver.
L'honneur de souffrir, comme pour souligner que si elle souffre aujourd'hui, c'est car elle a aimé avant, comme pour conjurer la Mort en lui opposant son passé, ses amours.
Il est étrange comme l'on se sent bien plus vivant quand on souffre, plutôt que quand on aime.
Le receuil est composé de 113 poèmes, relativement courts pour la plupart.
Un recueil que j'ai beaucoup aimé.
VI
Ils ont inventé l'âme afin que l'on abaisse
Le corps, unique lieu de rêve et de raison,
Asile du désir, de l'image et des sons,
Et par qui tout est mort dès le moment qu'il cesse.
Ils nous imposent l'âme, afin que lâchement
On détourne les yeux du sol, et qu'on oublie,
Après l'injurieux ensevelissement,
Que sous le vin vivant tout est funèbre lie.
-- Je ne commettrai pas envers votre bonté
Envers votre grandeur, secrète mais charnelle,
O corps désagrégés, ô confuses prunelles,
La trahison de croire à votre éternité.
Je refuse l'espoir, l'altitude, les ailes,
Mais étrangère au monde et souhaitant le froid
De vos affreux tombeaux, trop bas et trop étroits,
J'affirme, en recherchant vos nuits vastes et vaines,
Qu'il n'est rien qui survive à la chaleur des veines!
XXXVIII
Naivement, innocemment,
Non par fierté mais par faiblesse,
Révérant votre assentiment,
J'ai connu l'orgueil des déesses.
Puis soudain vos yeux, votre voix,
Pour la mort m'ont abandonnée.
J'ai délaissé ma destinée
Et je succombe autour de moi.
--Pureté, opulence, emblême,
Tant de rêve compose un lis!
Je n'aurais jamais cru, jadis,
Que l'on était si peu soi même...
LXIV
Dans la douleur rien ne console,
Ni la raison, ni les paroles.
Plus rien de vif n'est convaincant.
La mort vers laquelle on se hâte
Fait languir le coeur qui l'attend,
Il faudrait l'ombre immédiate
Et l'espoir même est fatiguant!
On sait bien que l'on meurt, --mais quand? _________________ Brise et ruine d’abord ce monde, nous verrons si l’autre surgit ensuite
Inscrit le: 10 Mar 2008 Messages: 17 Localisation: lyon (rhône)
Posté le: Ven Juil 17, 2009 10:26 pm Sujet du message:
merci de m'avoir fait découvrir ces poémes, pourtant c'est une des poésie de Madame de Noailles qui a été pour moi une leçon de vie et, pourtant je réalise grâce à vous, que la mort était tout le temps sous-jacente Il s'agit du merveilleux poème : le temps de vivre dont je ne résiste pas à l'envie de vous citer deux vers qui sont devenus ma règle de vie
Penche sur les chemins oũ l'homme doit servir
Ton âme comme un vase _________________ Croyez en ma parfaite considération
http://www.lulu.com/content/1157989
RGR
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