Pascal
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Posté le: Dim Nov 09, 2003 2:22 pm Sujet du message: La partie n'est jamais nulle - Icchokas Meras |
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Vilnius, 1943. Schoger, commandant SS, décide, devançant les ordres de la Kommandantur, de faire déporter les enfants du ghetto. Face à la demande de Lipman de repousser cette déportation, Schoger décide de jouer aux échecs la déportation des enfants avec Issac, le fils de Lipman, âgé de 17 ans : « S’il gagne, les enfants resteront au ghetto, mais je tuerai ton fils de ma propre main. S’il perd, il restera vivant, mais dès demain je fais emmener les enfants. (…) Il est plus difficile de faire une partie nulle que de gagner ou de perdre. Mais je suis bon prince, Lipman. Si la partie est nulle, il restera en vie et les enfants au ghetto. » Voilà la trame du roman. Presque chaque chapitre se subdivise en plusieurs séquences. Au début, un point sur la partie d’échec, puis la vie dans le ghetto, parfois à partir des personnages principaux, comme Issac, Esther ou Janek, parfois un personnage que l’on ne rencontre qu’une seule fois dans le livre, comme une nouvelle insérée dans le roman, toujours vu avec les yeux d’un des personnages. Même si Icchokas Meras (qui a personnellement connu les atrocités nazies dans
le ghetto de Vilnius où ses parents ont été assassinés) n’a pas cherché à écrire un témoignage ou un roman réaliste sur la Shoah, on trouve, bien sûr, des histoires tragiques dans ce ghetto où il est même interdit de faire pousser ou d’amener des fleurs. Mais « qui peut interdire les fleurs ? » se
demande Issac. Personne, bien sûr, comme personne ni aucun régime ne peut complètement extirper l’humanité. Malgré les SS, les fleurs peuvent parfois entrer, malgré la barbarie, la solidarité, l’humanité et même l’amour parviennent à résister. Ce roman est donc aussi une magnifique histoire d’amour entre Issac et Esther, surnommée Bouzia en référence au Cantique des Cantiques de Cholem Aleichem :
« Savez-vous comment brille le soleil au printemps ? Vous ne le savez certainement pas. Comment le sauriez-vous d’ailleurs, si vous n’avez jamais vu le sourire de Bouzia ». C’est aussi un roman sur la solidarité, solidarité dans le ghetto, parfois, mais aussi une solidarité plus vaste, à laquelle participent un jeune polonais, une famille catholique lituanienne et même un Allemand « pas comme les autres », par humanité. Roman de lutte enfin, de résistance,
parce qu’il n’y a pas que des fleurs qui peuvent entrer dans le ghetto, mais aussi des armes. Aussi, plus que tout, ce roman qui s’inscrit dans la longue tradition des contes juifs d’Europe centrale, est une histoire sur la lutte pour la dignité humaine, sur la résistance contre un système inhumain. Et c’est donc, malgré les murs du ghetto, un message d’espoir qu’offre ce roman au lecteur. Ecrit en 1974 et traduit du russe par Dimitri Sesemann, ce magnifique roman vient d’être réédité en octobre aux éditions stock. Et ce roman prend une force d'une cruelle actualité, en rappelant cette période sombre de l'histoire des pays baltes, alors que non loin du ghetto de Vilnius, à Riga d'anciens SS sont réhabilités alors que d'anciens partisans sont jugés. |
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