Posté le: Mar Aoû 30, 2005 11:30 am Sujet du message: La pluie ne change rien au désir - Véronique Olmi
Un 18 août, à Paris, vide et abandonné, près à succomber à un orage, un homme et une femme se rencontrent, se retrouvent, se sont donnés rendez-vous. Cette femme est très pâle, trop maigre, "elle était lisse et fine comme une esquisse, une femme pas assez dessinée la chair pas assez pleine", et lui a les yeux bleus, la mèche de cheveux qui lui barre le front, il la suit dans le Luxembourg puis à son invite à l'hôtel. Très vite entre eux deux le langage des corps va s'ouvrir, plus loin que tous les mots pour expliquer le silence, la souffrance et l'attente. Le corps devance le désir, l'un et l'autre se donnent, c'est un libre échange, ils ne sont pas deux, ils sont ensemble. L'homme doit apprendre la douceur et la brusquerie, la femme s'offre et se donne sans compter, mais reçoit autant de plaisir que de douleur. C'est très limite cette frontière entre le plaisir et la souffrance ! Car chez cette femme il y a une plaie encore trop ouverte, pourra-t-elle s'en confier à lui ? Elle paraît lui accorder sa confiance, en lui offrant son corps. De quoi donc a-t-elle été flouée, au même titre que ses rondeurs féminines ? Cette femme est brisée et l'homme doit toujours se méfier, freiner pour respecter "cette effroyable limite entre le don et la méfiance, entre la licence et la précaution".Débarquée de chez Actes Sud, Véronique Olmi publie chez Grasset un nouveau roman proche de l'érotisme. "La pluie ne change rien au désir" est très charnel et sensuel. Chez le lecteur habituel, la même espérance n'est plus. L'auteur bouleversant de "Bord de mer" s'aventure vers un territoire différent, mais également proche d'elle. Dans ce nouveau roman, il y a la figure de l'héroïne fragilisée et cassée, un passé obsédant et secret, et surtout une suavité dans les rapport homme-femme très, très licencieux ! Véronique Olmi ne s'attache à rien, finalement. Elle raconte son histoire, prenez une femme qui n'a rien d'une femme, sinon une attente de sexe très forte et encore présente, une aspiration au plaisir et au désir incomparable. Donc cette femme vit encore sous les coups de cet homme, elle vit aussi en lui donnant tout autant qu'elle reçoit ! C'est très honnêtement parfois gênant, dérangeant, c'est un nouveau roman différent des autres, donc cela explique un peu la délicatesse de s'y adapter à nouveau, de s'y habituer un tantinet. Parfois j'ai aimé, parfois moins. J'apprécie la dramaturge, je n'idolâtre pas l'apprentie romancière érotique. C'est confus, le style est haché et pêle-mêle, c'est encombrant, mais langoureux et sensible, bref c'est confondant. J'hésite ...Grasset, 156 pages
Inscrit le: 31 Oct 2011 Messages: 57 Localisation: Ouzbékistan
Posté le: Jeu Jan 05, 2012 1:55 pm Sujet du message:
Une descente aux enfers, une identité brutalisée par la souffrance. Sous le poids de la douleur, les kilos brûlent, le corps se doit d’être caché, la pluie s’y frotte, une femme à honte ; « un objet », un objet de haine.
Puis il y a cet homme, elle le voit, sans le voir.
Il la connait, lui se souvient de tout.
Les phrases courtes, concises, éloquentes de Véronique Olmi nous frappent telle une pluie ruisselante, cinglante, s’imposant au-delà du livre.
Puis des phrases, longues, sans ponctuation, les déferlantes de l’esprit et du désir, une force souveraine des entrailles, un baiser, vivre, chasser le despotisme de l’âme ravagée, vivre se sentir vivre …
Nous sommes « Elle », nous sommes « Lui », on ne lit plus, on observe, en silence, respectueusement, les tempêtes internes, le rouleau de la convoitise qui s’arrondit, devenant force, le tube de l’envie qui empoigne tout l’être, on s ‘immerge dans les eaux du désir, abyssal.
J’ai lu que ce livre était inconsistant, j’y répondrais que les émotions n’ont pas de consistances, elles ne s’identifient pas sous formes de descriptions, de grandes phrases mais par les silences entre les lignes .Le point est lourd de sens, la virgule laborieuse.
J’ai lu que ce livre était vulgaire, pornographique parce que les mots sont crus, j’y réponds que j’ai lu un hymne au désir, une ode à l’abandon, une prose de souffrance. Seule la trivialité de cette critique est vulgaire et sans profondeur, alimentée par la crainte des mots « crus » se mariant aux tourments de l’âme.
Je cite Robert Alexis, philosophe :
« Le sexe quelles que soient ses manifestations est toujours une chance. Sortir de nous, sortir de ce que l'on a fait de nous ! »
Nos propres retranchements, nos peurs, nos faiblesses, nos envies, C’est à fleur de peau qu’on les considère, les lignes d’Olmi sont un scalpel qui retourne nos entrailles afin de mieux considérer nos failles.
Se sentir vivant, être vivant au travers d’un amant, sentir une essence des sens afin de renouer avec une renaissance, peut être le temps d’un instant.
Voici l’œuvre magistrale que nous livre Véronique Olmi , quelques lignes majestueuses , poétiques et qui imposent la révérence , un hommage à la vie .
« Il est des êtres qui se révèlent dans la souffrance si émouvants et si beaux, qu'on peut à peine regretter de les rendre malheureux. » Etienne Rey, préface de l’amour de Stendhal.
Extrait :
« Elle s’approcha de lui avec une lenteur ivre, pleine déjà de tout ce que son geste allait bouleverser, ce geste qui renverserait l’ordre des êtres et du temps, renverserait les siècles des siècles, renverserait les marronniers centenaires, les statues de pierre, les chaises lourdes les idées reçues les leçons apprises, elle s’approcha approcha son visage du sien dans ces secondes éternelles ces secondes arrêtées en arrêt devant cette merveille, cette chose possible uniquement à deux , deux bouches deux désirs deux langues deux vies deux visages vis-à-vis l’un contre l’autre l’un sur l’autre la peau pour la première fois au goût de la peau de l’autre la peau inconnue contre la sienne nouvelle, une première fois unique le premier baiser le seul le sauveur révélateur sublime échange unique communion goût du sang et de la salive la langue goût du cigare et du vin , les lèvres agacées les lèvres entrouvertes refermées à peine démesurées pleines à pleine bouche se vouloir se demander se répondre avec les dents avec les langues ce qu’elles disent en d’autres langues ça n’en finira jamais pour que le premier baiser soit toujours le premier la saveur du premier baiser à pleurer sous les marronniers à ne plus avoir froid ne plus avoir honte le premier baiser indifférent à la forme du corps à l’âge de l’âme la traversée du désert …
Vivre. » _________________ C'est une perte de temps de réfléchir quand on ne sait pas penser. [Haruki Murakami]
Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum Vous ne pouvez pas éditer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas supprimer vos messages dans ce forum Vous ne pouvez pas voter dans les sondages de ce forum
Commandez vos livres sur Internet avec le Coin des Lecteurs => ici