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Posté le: Sam Nov 13, 2010 2:35 am Sujet du message: Illusions perdues - Balzac
(J'étais certain que le titre était en fait "Les illusions perdues", mais non, l'article n'y est pas.)
J'avais naturellement l'intention de lancer ce sujet une fois que j'aurais fini le livre, mais c'est un tel pavé que je m'y mets alors que je n'en suis qu'aux deux tiers. Balzac lui-même l'a en fait publié en trois parties entre 1836 et 1843 : "Les deux poètes", "Un grand homme de province à Paris" et "Les souffrances de l'inventeur".
L'histoire se situe en plein coeur de la Restauration et le héros est le jeune Lucien de Rubempré, demi-noble (il n'a pas légalement droit à la particule) et poète, vivant à Angoulêmes dans un état proche de la pauvreté avec sa mère, sa soeur et celui qui devient bientôt son beau-frère.
La première partie est une sorte d'histoire d'amour entre Lucien et Madame de Bargeton, une noble d'Angoulêmes. Dans le désert intellectuel et social qu'est alors la vie en province, les deux personnages se trouvent naturellement portés l'un vers l'autre : il n'existe tout simplement personne d'autre qui puisse satisfaire leurs aspirations.
La deuxième partie - deux fois plus longue - se déroule à Paris. Le contraste avec Angoulêmes est brutal et instantané. Livré à lui-même, Lucien va d'abord se trouver dans une profonde détresse, puis accéder brusquement au succès en se lançant dans le journalisme. Cette voie ne va pas tarder à le corrompre.
Je n'ai donc pas encore lu la troisième partie (qui se situe quelque part entre les deux autres au niveau de la taille). Il semble qu'elle se déroule de nouveau à Angoulêmes et le premier chapitre s'intitule "Triste confession d'un enfant du siècle", ce qui suggère que Balzac avait lu Musset.
Si la première partie est assez différente de ce que j'avais lu de Balzac jusqu'ici (et m'a curieusement un peu rappelé Un amour de Swann), la seconde est en revanche caractéristique de ce qu'on attend de l'auteur : la société parisienne y est amplement dépeinte, sous un jour cynique, ambitieux et intrigant. Balzac se concentre particulièrement sur le monde de l'édition et du journalisme, qu'il crucifie sans retenue.
Le fait d'avoir lu assez récemment L'éducation sentimentale m'a permis d'observer les différences substantielles qui existent entre Flaubert et Balzac. Balzac n'est pas du tout le réaliste qu'est Flaubert : le monde qu'il dépeint est certes lourd de turpitudes en tout genre, mais il y existe des personnages franchement bons et nobles, et il y est possible d'obtenir la renommée sans avoir à se compromettre, à condition d'avoir la volonté nécessaire. Bref, le monde n'a pas la teinte uniformément grise que lui donne Flaubert.
Bon, je vais peut-être faire une pause et je me lancerai ensuite dans la troisième partie.
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Posté le: Sam Nov 13, 2010 10:57 am Sujet du message:
Mon Balzac préféré ! l'ambition de Lucien, son hypocrisie et les passions qu'ils suscitent m'ont toujours fascinée. Il y a aussi de belles et réalistes descriptions du métier de journaliste, et une sévère critique de "l'actualité", d'un modernisme étonnant.
Ca me rappelle aussi "Bel-Ami" de Maupassant. _________________ Fantasy can become reality (Stratovarius).
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Posté le: Sam Nov 13, 2010 11:48 pm Sujet du message:
J'ai trouvé curieuse et intéressante la manière dont Balzac mélange le "montrer" et le "dire" dans son histoire. Il y a des choses importantes qu'il va nous résumer de manière sobre et directe. Elles contrastent avec le luxe de détail qu'il utilise pour décrire certaines scènes et certains personnages.
Je disais que Balzac me paraissait très différent de Flaubert, mais il y a cependant une scène vers la fin de la deuxième partie dont le grotesque tragique m'évoque Flaubert : lorsque
Spoiler:
Lucien doit se forcer à composer des chansons grivoises juste à côté du corps sans vie de Coralie, parce que c'est la seule manière qui se présente à lui d'obtenir assez d'argent pour la faire enterrer.
Posté le: Dim Nov 14, 2010 12:42 am Sujet du message: Re: Illusions perdues - Balzac
Outremer a écrit:
Je n'ai donc pas encore lu la troisième partie (qui se situe quelque part entre les deux autres au niveau de la taille). Il semble qu'elle se déroule de nouveau à Angoulêmes et le premier chapitre s'intitule "Triste confession d'un enfant du siècle", ce qui suggère que Balzac avait lu Musset.
C'est fort probable que Balzac avait lu Musset effectivement vu le titre. J'ai une édition dans un ommibus rassemblant plusieurs romans et nouvelles de Balzac. Je n'ai donc pas de chapitres. Cela suit visiblement scrupuleusement l'édition Furne. Je lis ce roman pour une khôlle (un oral en khâgne en français). C'est l'une des oeuvres à connaître pour la khôlle. Je n'étais pas obligé de lire le roman mais j'en avais envie. J'en suis seulement à la deuxième partie mais j'aime beaucoup ce roman. C'est effectivement pour beaucoup de monde le meilleur roman de Balzac ou tout de moins celui que les gens préfèrent. Il y a une liste impressionnante de personnages. Heureusement que j'ai un Dictionnaire des personnages de La Comédie humaine. J'aime beaucoup le fait que Balzac nous introduise dans l'univers du journalisme et de l'édition. Cela crée une forme certainement d'écho avec sa propre expérience personnelle. En effet, il paraît qu'il a mis beaucoup de lui-même dans le personnage de Lucien. J'ai détesté Madame de Bargeton au début de la seconde partie. Je ne l'aimais déjà pas beaucoup dans la première mais elle manipule complètement Lucien. Lucien peut être agaçant par moments mais il est touchant. Le personnage de David a moins de relief pour le moment. Je sais que la troisième partie est centrée sur David et Eve. L'écriture de Balzac est remarquable. Les descriptions de la première partie sont évidemment des passages obligés lorsqu'on lit du Balzac mais elles sont supportables. Il y a moins de descriptions dans la deuxième partie. Dans la première partie, j'ai beaucoup aimé le double portrait que fait Balzac de David et de Lucien. Les personnages retiennent mon attention et l'intrigue est vraiment intéressante, plutôt prenante. Je ne trouve pas de longueurs dans ce roman alors que j'en avais trouvé certaines dans La Cousine Bette, le seul autre roman de Balzac que je connais pour le moment.
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Posté le: Dim Nov 14, 2010 1:17 am Sujet du message: Re: Illusions perdues - Balzac
aurele a écrit:
Il y a une liste impressionnante de personnages.
C'est le moins qu'on puisse dire, en effet ! Balzac met en scène tellement d'arrivistes, d'écrivains, de journalistes, de nobles et d'intrigants que j'ai eu peine à m'y retrouver ! A noter la présence récurrente de Rastignac, même si l'histoire ne lui accorde pas une importance particulière (en-dehors du fait qu'il est l'un des rares qui verra se concrétiser ses ambitions).
Il y a des situations intéressantes où Balzac semble mettre en scène des personnages réels et connus, quelquefois sans donner leur nom. J'ai notamment été interpellé par le personnage de Camille Maupin, qui semble bien être une transposition de George Sand (alias Aurore Dupin).
Citation:
J'ai détesté Madame de Bargeton au début de la seconde partie. Je ne l'aimais déjà pas beaucoup dans la première mais elle manipule complètement Lucien.
Honnêtement, je pense qu'ils se valent l'un l'autre. A Angoulêmes, ils n'étaient attirés l'un vers l'autre qu'à cause de l'absence d'alternatives. La richesse intellectuelle, matérielle et esthétique de Paris va instantanément détruite cette fascination réciproque en éliminant sa cause. Lucien ne va pas se montrer plus fidèle que Mme de Bargeton. La différence entre eux, bien sûr, est que Mme de Bargeton a de l'argent et des relations, choses dont Lucien est alors dépourvu.
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Posté le: Dim Nov 14, 2010 2:09 pm Sujet du message:
alors quand Balzac a tendance à écourter les descriptions et à dire les choses en peu de mots, je pense "il avait encore un éditeur sur le dos et devait rendre sa copie de manière urgente" vu que ça lui est arrivé un certain nombre de fois. Des fois je trouve ça extrêmement frustrant. _________________ Fantasy can become reality (Stratovarius).
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Posté le: Dim Nov 14, 2010 2:53 pm Sujet du message:
C'est aussi un de mes Balzac préférés, avec Splendeurs et Misères des courtisanes, qui est la suite et que je recommande.
Lucien est en effet une sorte de double de Bel Ami... sauf que Bel Ami n'a jamais été idéaliste.
Lucien est juste un mou du genou qui a la chance d'être charmant, comme Bel-Ami, et d'avoir un talent pour l'écriture. Mais il délaisse ses idéaux pour "réussir". Les personnages secondaires sont très intéressants, comme Vautrin, David, d'autres encore... En fait, Lucien n'est qu'un pantin malléable. _________________ Garde tes songes ;
les sages n'en ont pas d'aussi beaux que les fous!
Posté le: Ven Nov 19, 2010 2:30 pm Sujet du message:
Un roman magistral d'une rare puissance. Certes Lucien a des défauts, beaucoup même, mais il sait se faire aimer, il a un côté touchant qui le rend sympathique.
La suite, splendeurs et misères..., est encore plus dévastateur.
Je ne sais pas si ce qui l'ont lu on eu la même impression que moi.
Spoiler:
"Illusions..." finit sur le suicide de Lucien, suicide interrompu par Vautrin. Apparemment, d'après moi, car "splendeurs..." m'est apparu comme la longue agonie de Lucien qui finit par mourir à la fin. comme si on était tout le long du roman dans le vécu même de sa mort, de sa chute.
Inscrit le: 26 Avr 2007 Messages: 840 Localisation: France
Posté le: Sam Nov 20, 2010 10:23 pm Sujet du message:
Fini ! Sacré pavé tout de même ! Je me demande si ce n'est pas le roman le plus long de Balzac ?
Une moitié de la troisième partie est en fait un retour en arrière sur ce qui est arrivé à la soeur et au beau-frère de Lucien pendant l'absence de celui-ci. Ce n'est pas assez long pour être ennuyeux, mais les personnages sont nettement moins intéressants que Lucien, avec ses désirs et ses faiblesses.
Je savais que Lucien devait rencontrer Vautrin, mais je me suis longuement demandé si cela allait arriver dans ce roman-ci ou dans la suite (que j'ai désormais envie de lire promptement).
Posté le: Dim Fév 06, 2011 7:13 pm Sujet du message:
Il faut lire la suite! Splendeurs et misères des Courtisanes ;-) Ce sont les deux premiers livres que j'ai lu de Balzac il y a de ça quelques années et ça reste mes deux préférés, allez savoir pourquoi!
Inscrit le: 01 Juin 2007 Messages: 158 Localisation: Noisy le Grand
Posté le: Ven Fév 11, 2011 11:26 am Sujet du message:
J'ai vraiment beaucoup aimé ce roman, lu après Le Père Goriot et enchaîné avec Splendeurs...
J'aime le parallèle entre l'évolution de Rastignac et celle de Lucien. Deux "mêmes" départs, deux volontés, mais deux destins différents parce qu'ils ne font pas les mêmes choix... Je les ai lus en hypokhâgne et en khâgne (ah le souvenir des khôlles !!) après avoir étudié le parcours de Rastignac à travers la Comédie Humaine pour le Bac... Je n'ai pas relu Balzac depuis des années mais c'est un auteur auquel je reste très attaché. Il me fascinait dans mon adolescence. Quelle idée que cette Comédie Humaine !
Ca y est j'ai envie de relire Balzac... _________________ "Quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux." Jules Renard.
Posté le: Sam Mai 14, 2011 10:34 am Sujet du message:
J'ai récemment terminé la troisième partie du roman. Le personnage d'Eve est le plus touchant dans cette partie. Elle a énormément de courage et c'est une battante. David est plus transparent. Cette partie est intéressante sur le plan de la peinture des caractères comme les deux précédentes. On y voit des manipulateurs, des hypocrites. Lucien est également présent dans cette partie. Une de mes scènes préférées dans cette partie et de l'ensemble du roman est celle de la rencontre et de la discussion avec Carlos Herrera qui est un personnage bien connu de l'univers de la Comédie humaine. Le dialogue est génial, enlevé, passionnant.
Pour résumer, ce roman est du très grand Balzac.
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